QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE L’INSTAURATION D’UN IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS AUX ÉMIRATS ARABES UNIS ?

En instaurant un impôt sur les sociétés, les Emirats arabes unis (EAU) ont notamment voulu réaffirmer leur engagement à respecter les normes internationales en matière de transparence fiscale et de prévention des pratiques fiscales dommageables.

Impôt entreprise

Cet impôt sur les sociétés entré en vigueur le 1er juin 2023 est encadré par la Federal Decree-Law No. 47 of 2022 on the Taxation of Corporations and Businesses (https://mof.gov.ae/wp-content/uploads/2022/12/Federal-Decree-Law-No.-47-of-2022-EN.pdf).

Les assujettis devront s’inscrire à l’impôt sur les sociétés (https://tax.gov.ae/en/services/corporate.tax.registration.aspx) et obtenir un numéro d’enregistrement de l’impôt sur les sociétés auprès de la Federal Tax Authority qui est l’autorité compétente en matière d’impôt sur les sociétés.

La déclaration d’impôt des sociétés devra être produite pour chaque période d’imposition dans les 9 mois suivant la fin de la période d’imposition.

Concernant le taux applicable à ce nouvel impôt, les revenus imposables excédant 375 000 AED seront imposés à hauteur de 9% tandis que les revenus inférieurs à ce seuil seront imposés à un taux de 0 % (Article 3 de la Loi).

I. Le champ d’application de la Federal Decree-law

Bien que la loi soit applicable à un large panel de personnes (a), son champ d’application n’est pas absolu (b).

I. a) Le principe : l’assujettissement des personnes morales et physiques exerçant aux Emirats Arabes Unis

federal decrew law

La Federal Decree-Law liste en son Article 11 les personnes assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, l’impôt s’appliquera aux personnes morales constituées aux Émirats arabes unis et aux personnes morales effectivement gérées et contrôlées aux Émirats arabes unis, ainsi qu’aux personnes morales étrangères ayant un établissement stable aux Émirats arabes unis.

A cet égard, la notice relative à cette même loi précise que la définition d’établissement stable de la Federal Decree-Law a été conçue sur la base de la définition fournie à l’article 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE sur le revenu et le capital ce qui permet de nous référer aux commentaires de l’OCDE sur cet article afin de bien cerner les contours de la notion d’établissement stable.

La Federal Decree-law définit cette notion comme tout établissement d’affaires ou autre forme de présence d’une personne non-résidente dans l’État.

A ce titre, l’article 11 de la Federal Decree-law définit les notions de personnes résidentes et non résidentes.

On y apprend qu’une personne résidente est une personne morale constituée ou autrement établie ou reconnue en vertu de la législation applicable de l’État y compris une personne résidant dans une zone franche, une personne morale constituée ou autrement établie ou reconnue en vertu de la législation applicable d’une juridiction étrangère qui est effectivement gérée et contrôlée dans l’État, une personne physique qui exerce une activité commerciale ou industrielle dans l’État, ou encore une personne déterminée dans une décision prise par le cabinet sur proposition du ministre.

La personne non-résidente est quant à elle définie comme une personne n’étant pas considérée comme une personne résidente en vertu du paragraphe précédent, et qui possède un établissement permanent dans l’État, tire des revenus de l’État, ou encore a un lien avec l’État tel que spécifié dans une décision prise par le cabinet sur proposition du ministre.

Étant précisé que la loi sur l’impôt des sociétés impose les revenus à la fois sur la base de la résidence et de la source.

Une personne résidente est imposée sur les revenus provenant de sources nationales et étrangères (cf : Article 13 de la Federal Decree-law) elle est donc imposée sur la base de la résidence tandis qu’une personne non-résidente n’est imposée que sur les revenus provenant de sources situées dans les Émirats arabes unis, elle est donc imposée sur la base de la source.

Si le champ d’application de ce nouvel d’impôt est assez large, il existe toutefois des exceptions prévues par la loi.

I. b) L’exception : l’exemption des sociétés en Free-Zone sous certaines conditions

La Federal Decree-Law prévoit en ses articles 4 et 18 les cas d’exemption.

Tout d’abord, entités gouvernementales ou contrôlées par le gouvernement bénéficieront d’une exemption automatique.

Les entreprises extractives ou les entreprises de ressources naturelles non extractives pourront également être exonérés en cas de notification au ministère des Finances sous réserve de remplir certaines conditions.

Certaines entités d’intérêt public pourront être exonérées dans le cas où elles sont répertoriées dans une décision du cabinet.

Par ailleurs, les caisses de retraite et de sécurité sociale ; certains fonds d’investissement ; certaines Filiales émiriennes détenues et contrôlées à 100% par une entité gouvernementale, par une entité contrôlée par le gouvernement, par un fonds d’investissement éligible ou par un fonds de pension ou de sécurité sociale, pourront également bénéficier d’une exonération si cette dernière est demandée et approuvée par la Federal Tax Authority, sous réserve de remplir certaines conditions.

Enfin, élément particulièrement intéressant, les sociétés Free Zone peuvent conformément à l’Article 18 de la Federal Decree-Law bénéficier d’une imposition à 0% sur leurs revenus qualifiés à condition de répondre aux conditions de « Qualifiying Free Zone Person », à savoir :

– Maintenir une substance adéquate aux EAU,

– Obtenir des revenus qualifiés,

– Ne pas avoir fait le choix d’être assujetti à l’impôt des sociétés aux taux standard, et,

– Respecter les exigences en matière de prix de transfert de la Loi de l’impôt sur les sociétés.

Il faut approfondir le sujet :

Précisons que personnes assujetties et revenus assujettis sont deux éléments distincts, d’où l’intérêt de connaitre précisément les revenus d’une personne assujettie qui pourront faire l’objet d’une imposition.

II. Les revenus imposables

Les revenus imposables au titre de cet impôt sont multiples (a) mais ils pourront faire l’objet de déductions (b).

II. a) Des revenus imposables en fonction de critères de résidence ou de la source de provenance des revenus

La loi sur l’impôt des sociétés impose les revenus à la fois sur la base de la résidence (voir 1.a pour la définition de personne résidente/non résidente) et de la source de provenance des revenus.

Une personne résidente est imposée sur les revenus provenant de sources nationales et étrangères, elle est donc imposée sur la base de la résidence.

Une personne non-résidente n’est imposée que sur les revenus provenant de sources situées dans les Émirats arabes unis, elle est donc imposée sur la base de la source.

En l’occurrence, l’article 12 de la Federal Decree-law prévoit qu’une personne morale/société résidente sera soumise à l’impôt sur les sociétés sur ses revenus imposables provenant des Emirats arabes unis ou de l’extérieur.

Pour les personnes physiques résidentes, elle prévoit que le revenu provenant des Emirats arabes unis ou de l’extérieur est imposable s’il se rapporte à l’entreprise ou à l’activité commerciale exercée par la personne physique dans les Emirats arabes unis.

Les personnes non-résidentes sont quant à elles soumises à l’impôt sur les sociétés sur les revenus imposables attribuables à l’établissement permanent de la personne non-résidente dans l’État, les revenus provenant de l’État qui ne sont pas attribuables à un établissement permanent de la personne non-résidente dans l’État, revenu imposable qui est attribuable au lien de la personne non-résidente dans les Emirats arabes unis tel que déterminé dans une décision émise par le Cabinet.

Les personnes assujetties pourront néanmoins déduire un certain nombre de charges pour minimer l’imposition.

II. b) La possible déductibilité des charges

Tout d’abord, les dépenses d’entreprise légitimes engagées entièrement et exclusivement aux fins du revenu imposable, des frais de représentation des clients, ou encore des dépenses d’intérêt.

Est-ce qu’on a plus de détails ?

Certains revenus feront quant à eux, l’objet d’une exemption afin notamment d’éviter la double imposition. C’est le cas des dividendes et des gains en capital tirés d’actions des Emirats arabes unis ou étrangères. 

De plus, une personne résidente peut choisir, sous réserve de certaines conditions, de ne pas tenir compte des revenus provenant d’un établissement stable étranger aux fins de l’impôt sur les sociétés des Emirats arabes unis.

Les Frais de représentation du client pourront faire l’objet d’une déduction partielle de 50 % du montant de la dépense.

Les dépenses d’intérêts pourront également, dans certains cas être déduites.

Toutefois, un certain nombre de dépense ne pourra aucunement faire l’objet d’une déduction.

C’est notamment le cas des pots-de-vin, amendes et pénalités (autres que les montants accordés à titre d’indemnisation pour dommages ou pour rupture de contrat), dons, subventions ou dons faits à une entité qui n’est pas une entité d’intérêt public admissible, dépenses non engagées entièrement et exclusivement pour l’exercice des activités de l’assujetti, dépenses relatives aux produits exonérés de l’impôt sur les sociétés.

Le cadre interne étant posé, il serait tout à fait pertinent de connaitre les implications de cet impôt en présence d’un élément d’extranéité se rapportant à la France.

III. Les conséquences de ce nouvel impôt sur les régimes fiscaux envisageables impliquant un lien France-Émirats

Nous pouvons légitimement nous demander si l’entrée en vigueur de ce nouvel impôt aura un impact sur la potentielle application du régime fiscal mère-fille qui était jusqu’alors impossible.

La loi instaure certes un impôt sur les sociétés qui n’existait auparavant pas (a), toutefois le taux de cet impôt tient en échec la possibilité d’opter pour le régime mère-fille (b).

III. a) L’instauration d’un impôt sur les sociétés aux UAE/Dubai nécessaires à l’éligibilité au régime mère-fille français

Rappelons-le, l’intérêt d’opter pour le régime mère-fille est de permettre, entre autres, à la société mère d’être exonérée d’impôt sur les sociétés sur les distributions à l’exception d’une quote-part correspondant aux frais et charges conformément à l’article 216 du Code général des Impôts du Code Général des Impôts (CGI).

Ainsi, ce régime permet notamment de neutraliser une double imposition en évitant que les bénéfices taxés au niveau de la filiale à l’impôt sur les sociétés soient à nouveau taxés à ce même impôt au niveau de la société mère percevant les dividendes versés par la filiale.

Toutefois, l’option pour le régime mère-fille est subordonnée à des conditions spécifiques prévues par l’article 145 du CGI qui prévoit notamment que : « Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu’il est défini à l’article 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal ».

Avant le 1er juin 2023, l’impôt sur les sociétés n’étant pas entré en vigueur, l’application de ce régime fiscal s’avérait impossible dans la mesure où l’absence d’impôt tenait en échec la condition prévue à cet article 145 du CGI.

Si à présent un impôt sur les sociétés est bel est bien existant, une autre difficulté persiste.

III. b) Une imposition sur les sociétés toutefois insuffisante inférieure au taux normal requis par le droit français

Nous pourrions, de prime abord, penser que l’instauration de ce nouvel impôt sur les sociétés permettra à présent l’application de ce régime.

Toutefois, il n’en est rien, l’article prévoit une exigence bien plus stricte que l’imposition de la société mère à l’impôt sur les sociétés, il prévoit l’imposition de la société mère à l’impôt sur les sociétés à un taux normal.

A cet égard, le Bulletin officiel des finances publiques vient définir les contours de la notion de taux normal : « Le régime fiscal des sociétés mères est applicable aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % prévu au b du I de l’article 219 du CGI, qui constitue le taux d’imposition normal, dans la limite de 38 120 € de bénéfice imposable par période de douze mois, applicable aux entreprises remplissant la condition de chiffre d’affaires et de détention du capital prévu à cet article »

Le taux du nouvel impôt étant de 9%, soit moins que le taux normal de 15% prévu par le CGI et le BOFIP, l’instauration de ce nouvel impôt sur les sociétés tel que décrit n’aura pas d’impact sur la possibilité d’opter pour le régime mère fille.

Toutefois, il conviendra de rester vigilant sur l’évolution de cette loi qui pourrait à terme prévoir un taux plus élevé et conséquemment élargir le champ des montages fiscaux possibles.  

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *